Et un, et deux, et trois zéro !
Pour la troisième fois consécutive la gauche a perdu l’élection présidentielle. Cette défaite est la plus grave de toutes car, pour cette élection, c’est la droite qui était sortante. Une droite contestée pendant cinq années, ayant eu à affronter d’importantes mobilisations sociales contre elle comme sur la loi Fillon sur les retraites ou sur le CPE. Une droite humiliée à chacune des consultations intermédiaires lors des élections régionales et des élections européennes. Une droite défaite lors du référendum sur la Constitution Libérale européenne. Et pourtant, la droite a gagné cette élection présidentielle avec 53,1% des voix et une participation écrasante de 84% de votants. La gauche a remis les clés de la France à la droite et elle l’a faite toute seule. La droite peut nous dire merci. Par notre incurie nous avons permis à la droite la plus réactionnaire de conserver un pouvoir qu’elle n’aurait jamais dû garder. Ne nous y trompons pas, avec Sarkozy une page se tourne. Une droite conquérante est désormais à l’Elysée. Sarkozy a réussi la synthèse de toutes les cultures de la droite ultramontaine, ultra-libérale et bonapartiste. C’est une droite de revanche sociale qui va désormais gouverner. Une droite qui est bien décidé à ne plus payer pour les salariés. Les impôts des riches baisseront, les grandes fortunes verront la transmission de leurs patrimoines exonérés de droits de succession, les retraites par répartition seront encore plus rognées et le coût de la protection sociale continuera de peser de plus en plus sur les salariés. Et vous verrez qu’il y aura beaucoup de " beaux esprits " qui se prétendent de gauche pour applaudir cette " audace réformatrice " du gouvernement de droite. Les salariés se préparent des jours très difficiles. Pour résister et préparer la reconquête ils auront besoin d’une gauche forte et rassemblée. Mais, pour le moment c’est là que le bât blesse. Pour l’instant elle n’en prend pas le chemin. Je me suis senti profondément humilié par le spectacle lamentable donné par nos dirigeants hier soir. D’un côté nous avions une ex-candidate souriante, heureuse de sa défaite ne semblant à aucun moment prendre la mesure de la gravité de la situation. Une ex-candidate organisant un " after " sur les toits de Solferino, demandant que l’on mette de la musique, faisant chanter la Marseillaise et annonçant la tenue d’un grand concert à La Courneuve. Bref, le carnaval continue ! C’était proprement indécent et hallucinant. D’autant plus hallucinant qu’elle affirmait vouloir poursuivre la lamentable opération de rapprochement avec Bayrou. Je ne me suis pas engagé en politique au PS il y prés de 25 ans pour terminer en groupie d’une secte charismatique. De l’autre, nous avions un DSK annonçant sa disponibilité…pour conduire le PS vers les rives de l’alignement au système et continuer leur gigue avec Bayrou. En mon fort intérieur je me disais qu’une fois encore ils n’ont rien compris. Décidément nos hiérarques ont un problème culturel avec le peuple. Aucune leçon de 2002 n’a été tirée. Car, la vérité crue, cruelle et implacable de cette élection tient en une proposition : des pans entiers des classes populaires ne nous font plus confiance. Prés de 50% des employés et 45% des ouvriers ont voté pour la droite réactionnaire. Pendant que nous organisions des réunions branchées avec des artistes branchés, des pans entiers des classes populaires basculent dans " l’ordre sarkozyste ". Aucune leçon du vote NON au référendum n’a été retenue. A celles et ceux qui ne me croient pas, je leur demande de se poser une minute et de consulter très attentivement le détail des résultats électoraux. Vous voulez quelques exemples ? En voici ! Le Nord un des bastions historiques de la gauche : Sarkozy 51,7% alors que le NON au référendum avait recueilli 61,9% Dans le Nord toujours, à Bruay-sur-l’Escaut (PS) Sarkozy 50%, le NON 77,77% ; à Dunkerque (PS), Sarkozy 52,3%, le NON 59% ; à Maubeuge (PS) Sarkozy 50%, le NON 69% ; à Tourcoing (PS), Sarkozy 51,5%, le NON 61% et au Vieux Condé (PC), Sarkozy 50,6%, le NON 76,5%. Dans les Bouches du Rhône, bastion interne au PS du ségolènisme, Sarkozy 58%, le NON 61,8%. Voyons maintenant en détail ce département. Marseille Sarkozy 55%, le NON 61%. Martigues (PC) Sarkozy 52,1%, le NON 71,4% ; Saint-Martin de Crau (PS) Sarkozy 56,7%, le NON 62,2% ; Chateauneuf-lès-Martigues (PS) Sarkozy 60,72%, le NON 71,33% et enfin Vitrolles (PS), ville ou Ségolène a annoncé sa candidature interne, Sarkozy 57%, le NON 70%. En Seine-Maritime, Sarkozy 50%, le NON au référendum 65%. Dans la Somme, Sarkozy 50,4%, le Non au référendum 66,8% avec en prime une victoire de Ségolène dans deux villes de droite, Amiens et Abbeville. Dans l’Eure, Gisors (PC) Sarkozy 53,2%, le NON 66,9%. Dans le Rhône, Decimes-Charpieu (PS), Sarkozy 56,2%, le NON 59% ; Moins (PS), Sarkozy 60%, le NON 58% et Saint-Priest (PS) Sarkozy 53%, le NON 59%.
La leçon est cruelle et la défaite aurait été d’une plus grande ampleur sans la mobilisation exceptionnelle des français d’origine immigrée vivant dans les quartiers populaires, notamment en région parisienne. La gauche est en grand danger celui de voir sa base électorale se rapprocher dangereusement de celle des Démocrates américains : les minorités, la jeunesse, une fraction du salariat, les artistes. Cela ne fait ni une majorité sociologique, ni une majorité politique. Il nous faut donc regagner la confiance du peuple. Nous ne pourrons le faire que si nous surmontons la fracture entre une gauche de gouvernement qui est devenue une pâle gauche de gestion et d’accompagnement de la mondialisation libérale et une gauche que se définit comme antilibérale et qui s’épuise dans une contestation sans perspective. S’il y une leçon à retenir de Sarkozy c’est bien celle là. Sarkozy a réussi à partir de 2002 à refonder la droite et à la rassembler. Nous avons cinq ans pour faire de même. En attendant nous avons cinq semaines pour limiter la casse aux législatives. Arrêtons le bal des egos. Ressoudons collectivement les rangs pour limiter la casse aux législatives. Arrêtons cette confusion et ne concluons aucun accord politique ou de désistement avec Bayrou. Pour le reste, nous avons cinq ans pour avancer, renouveler en profondeur notre doctrine, faire le bilan lucide de nos reculs depuis 20 ans et dégager une perspective nouvelle à gauche. Nous devons redéfinir les contours d’un camp du progrès ouvert à tous à gauche : courants politiques, syndicats, associations, mouvements de jeunesse, intellectuels et acteurs sociaux. Enfin, parce que cela est plus que nécessaire, nous aurons aussi à renouveler en profondeur nos dirigeants.