Déréliction !

Publié le par cherki

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Tellement de choses ont déjà été dites et écrites dans ce qui est maintenant devenu l’affaire Sarkozy-Woerth-Bettencourt qu’il m’apparaît presque incongru de livrer, à mon tour, mon opinion. Tout d’abord, et au risque de surprendre certains d’entre mes lecteurs, je dois reconnaître que j’éprouve une forme de compassion pour Eric Woerth. Cela ne doit pas être facile pour lui tous les jours. Surtout, si comme il l’affirme, il n’a rien de répréhensible à se reprocher. Et, il est vrai que d’un point de vue juridique, il n’y a rien, pour l’instant, qui incrimine Monsieur Woerth. En outre, il a le droit, lui aussi, à la présomption d’innocence et c’est aux accusateurs de rapporter la preuve des allégations formulées à son encontre. Il faut le rappeler sans cesse. En tout cas, l’ancien avocat que je suis ne peut s’empêcher de demeurer attaché à ce principe. Je note au passage que le déclenchement de cette affaire est le fruit de méthodes barbouzardes, celles d’enregistrements clandestins, qui, quand ils étaient pratiquées par les plus hautes sphères de l’Etat provoquaient l’indignation justifiée des mêmes qui, aujourd’hui, au nom de la recherche de la vérité, ne rechignent pas à employer ces procédés réprouvés. Si il y a une dérive du politique, il y a aussi à coup sûr, dans cette affaire, une dérive de certains médias.

Ceci étant posé, il n’en demeure pas moins que cette affaire a pris un tour politique fâcheux pour le gouvernement et le Président de la République et que celui-ci serait inspiré d’en sortir au plus vite. Si j’ai un conseil à leur donner, c’est de changer de ligne de défense, celle adoptée actuellement est contreproductive. Considérer en effet que cette affaire serait le fruit d’une manipulation et d’un acharnement du Parti Socialiste est ridicule. Qu’aurait-on dit si le PS était resté silencieux ? On aurait accusé la classe politique de collusion ouvrant ainsi un boulevard au tous pourri dont se nourrit complaisamment l’extrême droite. Le PS ne fait que son devoir, celui du principal parti d’opposition qui demande des explications au pouvoir sur une affaire qui met ce dernier en cause directement ou indirectement.

De même le PS est tout à fait fondé à interroger, même en des termes parfois vifs, les liens incestueux entre ce pouvoir et les forces d’argent, les riches de ce pays.

C’est Nicolas Sarkozy et non les socialistes qui a décidé d’aller célébrer sa victoire en 2007 dans un hôtel appartenant à un des groupes propriétaires d’une chaîne de casinos entourés de gens riches et peu représentatifs de l’ensemble de la société française. Certes ce n’était pas interdit mais cela pouvait à tout le moins surprendre.

C’est Nicolas Sarkozy et non les socialistes qui a décidé de nommer ministre du budget le trésorier de la principale formation de la majorité présidentielle. Certes, ce n’était pas interdit mais cela pouvait, en cas de problème, faciliter les amalgames.

C’est Nicolas Sarkozy et non les socialistes qui participe chaque trimestre à des dîners organisé par le ministre-trésorier rassemblant les généreux donateurs de son parti dans un grand hôtel parisien. Certes, ce n’est pas interdit mais ce mélange des genres contribue inévitablement à entretenir la confusion et à faciliter les amalgames.

C’est Eric Woerth et non les socialistes dont l’épouse fût embauchée par Madame Bettencourt pour s’occuper, avec d’autres, de sa fortune personnelle au moment où cette dernière recevait, en application du bouclier fiscal voulu par Nicolas Sarkozy, un chèque de 30 millions d’euros voulu par le fisc. Certes, ce n’est pas interdit mais c’est à tout le moins profondément choquant et extrêmement maladroit.

C’est pourquoi je conseille au Président de la République de sortir d’une logique de citadelle assiégée dans laquelle il s’est réfugié et qui devient incompréhensible aux yeux de l’opinion. Je conseille au Président de la République de ne pas répéter les mêmes erreurs qu’au moment de l’épisode peu glorieux de la tentative de nomination de son fils à la tête de l’Epad.

On peut avoir juridiquement raison et politiquement tort. La politique c’est aussi une question d’opportunité et ici, en opportunité, Nicolas Sarkozy a tort. En persistant il accroît le détestable climat de déréliction qui a saisi le pouvoir et qui n’est pas bon pour notre démocratie.

Publié dans Carton rouge à

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