Lectures d'automne !



La rentrée n’est pas seulement littéraire, elle est aussi politique. Il est bien normal qu’après une défaite de cette ampleur des responsables ou des cadres du parti socialiste s’exercent à l’analyse de la défaite et tentent si ils le peuvent d’esquisser des débuts de perspectives. Parmi les nombreux livres parus j’en ai retenu trois que j’ai lus avec application et intérêt.
A tout seigneur, tout honneur et je commencerai par l’opuscule de Lionel Jospin «L’impasse » paru aux éditions Flammarion. Il s’agit d’un livre court, sobre sur le style mais ferme sur le fond. Lionel Jospin y développe une critique précise sur les raisons de la défaite de Ségolène Royal dont je partage les grandes lignes même si parfois la raideur du propos peut donner le sentiment de tourner au règlement de compte personnel. Néanmoins Lionel Jospin a raison des souligner la faute de méthode qu’a constituée la prise distance assumée par la candidate avec sa formation politique, le PS. De même que l’auteur a raison de considérer que la communication a pris le pas sur la politique et la posture sur le positionnement politique de fond. Lionel Jospin résume la situation d’une phrase juste, on ne gagne pas sur les écarts mais sur les fondamentaux. Et, c’est faute d’avoir assumé une confrontation réelle avec Nicolas Sarkozy que Ségolène Royal a perdu. Ce livre se conclut sur une analyse de l’obligation qui incombe au PS de se remettre politiquement au travail et de créer les conditions d’une nouvelle dynamique lui permettant de devenir le parti de toute la gauche. La lecture de ce livre me laisse cependant un regret celui d’une analyse inaboutie car il aurait été utile de mettre en perspective la défaite de 2002 et celle de 2007. Sans doute était-ce un exercice hors de portée de son auteur qui n’arrive pas à analyser son propre échec autrement que celui de la désunion des composantes de la gauche plurielle au moment de la campagne de 2002. Une explication qui a sans doute sa place mais qui demeure largement insuffisante pour expliquer pourquoi seulement 13% des ouvriers ont voté pour lui au premier tour de la présidentielle de 2002.
« En quête de gauche » de Jean-Luc Mélenchon n’élude pas en revanche cette question de fond. Il y apporte même une explication convaincante, celle de la lente dérive de la social démocratie du socialisme vers une idéologie de type démocrate à l’américaine. Pour une fois Jean-Luc Mélenchon assoit sa démonstration sur des faits qui donnent encore plus de poids à son argumentation théorique. On sent que cet ouvrage est le fruit d’une réflexion longuement mûrie. Aussi, la critique, même rude sur le fond, est toujours respectueuse des personnes auxquelles elle s’adresse et à qui il reconnaît, même pour la rejeter, une cohérence politique profonde. Ce livre vivifiant intéressera toutes celles et tous ceux qui, nombreux à gauche, aspirent à retrouver une gauche de combat à nouveau rassemblée autour d’une perspective de transformation sociale forte. La lecture m’en laisse cependant deux regrets. En premier lieu, l’auteur aurait pu s’épargner des caractérisations désagréables envers certains responsables du PS appartenant à la gauche du PS et qui ne firent pas les mêmes choix que lui dans les deux dernières années. En second lieu, la dernière partie qui traite de la question ouverte d’une éventuelle nouvelle formation de gauche est abordée par trop exclusivement sous l’angle des cartels de formations et de fractions dont elle pourrait être issue et escamote les axes idéologiques autour desquels elle pourrait être bâtie. Un tropisme issu sans doute de sa formation politique de jeunesse.
« Désert d’avenir ? » de Guillaume Bachelay, nouveau membre du Bureau National du PS et proche de Laurent Fabius, est un livre bienvenu. Enfin le tournant de 1983 est analysé sérieusement à la fois sous son angle politique et sur ses motivations économiques. Ce débat est nécessaire car jusqu’à présent il s’agit d’un refoulé dans la doctrine socialiste, d’un tabou. Mais Guillaume Bachelay ne se limite pas à cette seule question il analyse également les impasses et les dérives de l’évolution de la construction européenne. Son propos est percutant et formulé dans un style plaisant et de qualité. En revanche la partie sur les perspectives et plus faible. Le temps a sans doute manqué à son auteur désireux de publier son livre dés septembre. On ne doute pas cependant que, s’attelant à cette nouvelle tâche, il parvienne à contribuer à éclairer utilement le débat des socialistes et de la gauche.
Voici trois livres de qualité à lire d’urgence afin de ne pas désespérer de la réflexion politique.