Violences, Racisme, antisémitisme : comment réagir ?

Publié le par cherki

 

Je mets en ligne l'intrégralité de la table ronde qui s'est déroulée à France Football vendredi 1er décembre et qui est publiée dans l'édition du mardi 5 décembre.

Violences, racisme, antisémitisme: comment réagir ?

DEBAT. Comment endiguer la violence et le racisme dans et autour des stades ? Quelles relations établir avec les groupes de supporters ? Comment associer efficacement répression et prévention ? Pourquoi les lois existantes sont-elles peu ou mal appliquées ? Autant de questions que la mort d’un supporter parisien le 23 novembre a soulevé depuis deux semaines. FF apporte sa pierre à ce débat, avec le concours de quatre spécialistes reconnus.

Afin de dépasser le choc et l’émotion suscités par le drame survenu le 23 novembre dernier aux abords du Parc des Princes, France Football a décidé d’évoquer le "supportérisme" en France avec Carine Bloch, vice-présidente de la Licra, Nicolas Hourcade, sociologue, Pascal Cherki, adjoints aux Sports de la ville de Paris, et Michel Lepoix, coordinateur national pour la sécurité dans le football. Plus d’une heure trente de discussion passionnée et passionnante, qui s’est prolongée hors micro. Dans la lucidité. Car, dans quelques mois, lorsque l’émotion médiatique et populaire sera retombée, où en sera ce débat ? C’est la principale crainte des intervenants. Pas dupes de l’échec patent des pouvoirs publics, des instances sportives, des clubs et des supporters. Pas dupes, non plus, des effets de manche des derniers jours. En attendant, le sujet est sur la place. L’occasion d’éviter les amalgames faits autour de la figure du "supporter", de pointer les dérives recensées avec la professionnalisation du football et d’évoquer des débuts de réponses. Tous, contrairement à certains dirigeants de club, ne croient pas le problème insoluble. En dépit de leurs (rares) points de vue divergents, ils partagent la même ambition, la même quête: l’éradication des violences et du racisme qui salissent ce qui, finalement, n’est qu’un jeu.

LES ACTEURS. Ambivalence et contradictions chez les supporters

Question : Beaucoup de choses ont été dites depuis le drame du 23 novembre. On évoque les supporters, les ultras, les hooligans, les indépendants au risque de tout mélanger. Peut-on, avant toute chose, définir précisément de qui on parle ?

NICOLAS HOURCADE: Il existe quatre modèles de kop en France. Le premier, que l’on pourrait appeler modèle lensois est celui défendu par la fédération des supporters du foot français.

CARINE BLOCH: Une fédération qui n’est absolument pas représentative.

N. HOURCADE: C’est un modèle consensuel: on soutient l’équipe, on s’entend avec les dirigeants, on prône le fair-play etc. Il est aujourd’hui débordé par le modèle des ultras, dominant en France. On a là des groupes organisés qui cherchent à s’investir dans le soutien à l’équipe et dans la vie du club. Mais qui, à la différence de l’exemple lensois, se positionnent dans un rapport conflictuel pour faire aboutir leurs revendications. La troisième catégorie est celle des copistes à l’anglaise, très peu représentée en France sauf à Boulogne. Ils prônent un supportérisme individuel en dehors des associations. Le quatrième, enfin, est le modèle hooligan dont l’objectif est la violence. Ces quatre modèles coexistent dans les stades. En France, on parle d’indépendants plutôt que de hooligans. Mais à Paris, cette notion regroupe à la fois les hooligans classiques et les copistes à l’anglaise.

PASCAL CHERKI: Le grand tournant, ce sont les années 70-80. L’argent entre en masse dans le football et, parallèlement, le public se positionne différemment. Auparavant on venait voir un spectacle entre deux équipes. Depuis il y a eu radicalisation. On ne vient plus voir un beau match de foot mais son équipe gagner avant tout.

N. HOURCADE: Le phénomène ultra s’est développé parallèlement à la professionnalisation du football qui fait que le modèle lensois est de moins en moins viable aujourd’hui car il repose sur la proximité supporters-joueurs.

P. CHERKI: La culture ultra, c’est très bien ! Pour simplifier, on peut considérer les associations comme des syndicats de supporters. Ils peuvent, ils doivent être des interlocuteurs. Le problème est que cette culture ultra est progressivement parasitée par une culture de violence. Il n’est plus question de soutenir l’équipe mais de se positionner face à un adversaire qui est maintenant un ennemi.

MICHEL LEPOIX: Même si, côté pouvoirs publics, on distingue les hooligans au sens large, violents et pour une majorité d’entre eux racistes ou antisémites, et les ultras, il arrive que les deux se rejoignent dans la violence. Les groupes ultras sont dans une logique de concertation, mais ils peuvent parfois être violents envers les supporters adverses.

N. HOURCADE: Majoritairement, la tendance des virages français est anti-raciste. Ce qu’on voit le plus, ce sont des manifestations anti-racistes. A Paris, tous les hooligans ne sont pas racistes. Certains violents sont politisés, d’autres non.

P. CHERKI: Mais quand tu es black ou beur, tu ne rentres pas à Boulogne.

N. HOURCADE: Le problème de la Tribune Boulogne est politique dans le sens où seuls les Blancs peuvent y rentrer mais il ne faut pas dire que toute la tribune est raciste. L’idéologie dominante, c’est qu’ils se considèrent comme des anti-racailles, des patriotes. Mais le passage à l’acte violent ne procède pas de la même logique. Le hooligan a pour objectif de se battre. Les ultras sont, eux, dans un registre plus ambivalent. Ils acceptent la violence pour se faire respecter entre eux mais ils ne souhaitent pas qu’elle soit trop voyante, étant dans une logique de négociation avec les autorités.

C. BLOCH: C’est cette ambivalence des ultras qui complique les choses. Autant le dialogue est possible individuellement, autant ils ont du mal à assumer collectivement. Il y a une vraie difficulté à fédérer. Pourtant, on a besoin des associations, besoin qu’elles se structurent pour aller dans le bon sens.

Question : Les leaders d’associations tiennent-ils leurs troupes ? Sont-ils représentatifs ?

C. BLOCH: Ils sont représentatifs mais leur discours consiste souvent à dire qu’ils ont du mal à tenir la base. Toujours cette ambivalence… Ils se disent contre le racisme mais se gardent bien de brandir des banderoles le dénonçant.

P. CHERKI: Je prends l’exemple des Supras Auteuil qui ont fait un chemin phénoménal depuis deux, trois ans. Ils montent des associations avec les sans-abris, ils ont poussé le PSG à s’impliquer dans le parrainage de la Coupe du monde des sans-abris, ils ont fait une banderole disant non à la violence et au racisme… Il y a des forces contradictoires qui les traversent. Il faut les aider à franchir un cap et sortir de cette crise par le haut. Pour l’instant, il y a un problème d’immaturité, non pas des individus, mais de la manière dont collectivement ils sont capables de se structurer.

C. BLOCH: Je ne crois pas qu’ils soient mûrs pour passer à court terme de la victimisation à la responsabilisation. Mais, pour avoir discuté avec des gens de Boulogne et d’autres reconnus pour être durs, il y a toujours des gens très bien dans chacun de ces groupes. Je ne voudrais pas que l’on sous-estime la capacité de ces groupes qui ont tous des leaders d’un très haut niveau éducatif et culturel et qui savent très bien mener des hommes.

M. LEPOIX: Nous souhaitons qu’ils prennent leurs responsabilités mais, pour le moment, ils se cachent. Ils doivent être des interlocuteurs quitte à ce qu’il y ait un peu de déchet. Les présidents d’associations doivent s’engager à condamner les violences, les leurs et celles des autres groupes. Depuis le drame et les mesures de fermeté annoncées, on sent que cela frémit dans le bon sens mais cela doit se poursuivre.

P. CHERKI: Il faut passer d’une culture et d’une mentalité de la jacquerie chez les supporters, à une culture du syndicalisme, avec une maturité et une capacité à négocier.

N. HOURCADE: A Marseille, à Saint-Etienne, à Lyon, à Bordeaux ou encore à Nantes, ils défendent leurs intérêts de manière relativement soudée malgré les divergences entre groupes. On a failli avoir une coordination nationale il y a deux ans. Les négociations avec la Ligue n’ont pas abouti. Pourtant, dans cet embryon de coordination nationale, il y avait des propositions concrètes sur tout un ensemble de problèmes. Les leaders ultra ont joué le jeu de l’institutionnalisation en acceptant le dialogue avec la Ligue mais ils n’ont rien obtenu. Et ce rendez-vous manqué a contribué à radicaliser encore un peu plus le mouvement.

LES RESPONSABILITES. Des questions jamais prises à bras-le-corps

Question : Aujourd’hui, les joueurs, les techniciens sont de passage, les dirigeants peuvent être des salariés. Le supporter est finalement le seul élément stable du club ?

N. HOURCADE: Et c’est ce qui leur donne leur légitimité !

P. CHERKI: Il faut à la fois que les ultras définissent leur identité, s’associent pour que leurs revendications soient prises en compte dans les clubs, voire pour peser sur certaines décisions et que les pouvoirs publics reconnaissent leur utilité. La Ligue doit cesser son discours infantilisant avec les ultras. Thiriez, tous les deux ans, nous sort son serpent de mer de la bonne charte à signer contre le racisme. Thiriez et la LFP, c’est le MEDEF du foot. Ils sortent leur nez quand ça va mal, disent: "Vous voyez, j’ai essayé de faire avancer les choses mais c’est compliqué" et rien ne bouge. Ce n’est pas un comportement responsable. Il faut prendre le problème à bras le corps, faire un marché: vous avancez vers votre identité et, en contrepartie, la Ligue vous reconnaît une part de représentativité dans la famille du foot. Pourquoi ne pas imaginer un représentant au conseil d’administration de la Ligue…

N. HOURCADE: … Ou dans les clubs !

P. CHERKI: Etre responsable, c’est être partenaires. Parce qu’entre infantilisation d’un côté et réaction par la violence de l’autre, on débouche sur le seul discours de répression. La répression est indispensable quand des actes intolérables sont commis mais cela ne peut pas être une politique de long terme.

M. LEPOIX: On peut appartenir à un groupe avec des idées rebelles tout en étant un interlocuteur responsable.

C. BLOCH: Cela pose malgré tout problème de discuter avec des interdits de stade comme cela a été le cas (ndlr: le président des Boulogne Boys, interdit de stade pour avoir introduit des fumigènes, était présent à la réunion organisée au Ministère de l’Intérieur le 28 novembre dernier).

N. HOURCADE: Tout dépend pourquoi ils sont interdits de stade.

C. BLOCH: Peut-être mais comment voulez-vous que la population comprenne ! Il faut être clair.

P. CHERKI: Dans ce cas précis, il s’agissait d’une interdiction à la suite d’une introduction de fumigène. Depuis trois ans, tout le monde dit qu’il faut évoluer sur ce sujet. Des solutions existent.

M. LEPOIX: Le ministre n’était pas contre l’idée d’envisager une réflexion sur ce sujet. Cela a été abordé. Des associations étaient invitées mais on avait senti des résistances dans la haute fonction publique y compris parmi les magistrats et la réflexion s’est éteinte. Elle a repris pour réfléchir sur les conditions techniques d’utilisation des fumigènes en y associant des associations de supporters qui ont une vraie connaissance du sujet. Mais il y a eu l’affaire de Nice-Marseille qui a, momentanément, mis un frein, quand bien même il ne s’agissait pas d’un fumigène.

C. BLOCH: Pendant des années, alors qu’on venait pour discuter violence et racisme dans les différentes réunions de sécurité, on avait droit à cinq minutes d’écoute car le sujet principal était les fumigènes. Ce n’est qu’un problème technique mais il a tout phagocyté.

Question : La Licra est-elle un partenaire écouté ?

 

C. BLOCH: Je me suis vraiment retrouvée très seule, dans le désert, pendant des années vis-à-vis des dirigeants. Il y a six mois, un haut dirigeant du foot français m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit: "le football peut aider à lutter contre le racisme dans les sociétés mais il n’y a pas de racisme dans le football professionnel." Et cela après des réunions, des réunions et des réunions ! Il y a pourtant des cris de singe, des insultes à Paris mais également dans un stade sur deux en France. On avait fait une campagne second degré en juin qui disait: "pseudo-supporter, reste chez toi." A part le Ministère de la Jeunesse et des sports, personne n’a voulu mettre son logo.

P. CHERKI: Ce qui me pose problème depuis le début, c’est quand on dit: "c’est pas grave." Et cela à cause des enjeux économiques qui ont prédominé et qui continuent de le faire. On voit les réticences à jouer l’après-midi alors que ce sont les premières mesures de bon sens à prendre. Voilà pourquoi je parle de Medef du football quand j’évoque la Ligue ! Qu’ils prennent leurs responsabilités ! Deuxièmement, il y a une culture de la peur et au PSG, les dirigeants ont peur de leurs supporters. Ils gèrent à minima et doivent donc passer des accords pour que cela n’explose pas. Il faut aider le PSG à sortir de cette culture de la peur. Graille et Larrue (ndlr: anciens président et responsable de la sécurité du club) ont essayé mais Canal+ et la Ligue les ont flingués par derrière.

N. HOURCADE: Le problème de Larrue, c’est qu’en voulant taper sur les fachos, il a tapé sur tout le monde !

P. CHERKI: J’ai dit à Jean-Pierre qu’il s’y prenait mal et qu’il devait hiérarchiser les combats. Et laisser les fumigènes de côté pour l’instant. Mais, j’ai assisté la médiation (ndlr: entre les associations de supporters et la direction du club). Cela aurait mis du temps mais on pouvait débloquer les choses. Ce qui s’est passé, c’est qu’il y a eu des négociations parallèles et Canal +, propriétaire du club et diffuseur du championnat, a décidé de régler le problème rapidement quand ils ont vu des banderoles hostiles à leurs partenaires.

Question : Le club, lui, met en avant la responsabilité des forces de police… ?

P. CHERKI: La police ne peut pas dire "on connaît les fauteurs de trouble" qu’on retrouve ensuite dans le stade. A un moment donné, il faut que les pouvoirs publics clarifient leur position. Ont-il vraiment envie de régler la question ? Il faut passer à une répression sélective afin d’être crédible. Et, pour ça, il n’y a que la police et la justice. Notre problème, c’est qu’on a un sacré doute sur la stratégie policière de laisser faire. La police part du principe qu’elle n’éradiquera jamais le phénomène. Donc, elle préfère savoir où sont les hooligans et qu’ils soient regroupés. Comme ça, quand il va se passer un gros truc, on peut agir. Cette politique, oui, mais pas au Parc des Princes. Pas dans une enceinte close de 40 000 personnes. Pas en laissant s’exprimer des insultes racistes. Si les RG ont la surveillance de l’extrême droite dure, qu’ils fassent du repérage dans les lieux où ils vivent. Je ne supporte pas qu’on utilise le foot comme champ d’expérimentation de cette mouvance. Depuis longtemps, on les connaît, on connaît leurs infractions et, depuis longtemps, ils sont couverts.

C. BLOCH: Les clubs ont peut-être peur mais, à les entendre, il ne faut surtout pas dire qu’il y a de problème de racisme dans le football. Je peux vous dire que pendant des années, on nous écoutait en disant : "ils s’exagèrent". Et cela s’arrêtait là. Depuis plusieurs semaines, je n’ai jamais eu autant d’intimidations, des menaces de plaintes, de la part de clubs en France. Simplement parce qu’on dénonce le racisme et des actes avérés. Or, pour leur image, il vaudrait mieux qu’ils luttent contre le racisme. Come le fait Nike, quelles que soient ses motivations.

P. CHERKI: Dans l’histoire du hooliganisme, jamais un club n’a réglé seul ce problème. Tolérance zéro, complaisance zéro mais, si derrière, le club n’est pas accompagné par les pouvoirs publics, il va se dire: "c’est moi qui monte au front mais au quotidien, c’est moi qui vais avoir le bordel."

Question : Gérer à minima, c’est aussi acheter la paix sociale. Le PSG l’a pratiqué mais a échoué ?

N. HOURCADE: Si je peux me faire l’avocat du diable, ce n’est pas complètement absurde de reprendre des anciens durs pour encadrer les jeunes. Sauf que cela a été un échec pour le PSG, les "encadrants" ayant continué à véhiculer leurs idées.

Question : Dans tout ça, quel est le rôle de la Mairie de Paris ?

P. CHERKI: Il y a plein de villes qui ont coupé leur subvention. Nous, on fait autrement en disant comment on peut être un levier, avoir un pouvoir d’interpellation. On a essayé ainsi de conditionner la subvention à d’autres actions. On a essayé de pousser la direction du club a envoyer des signes publics forts sur l’homophobie, ou à travailler avec la Licra.

LES SOLUTIONS. Un dialogue indispensable même avec les plus durs

Questions : Que pensez-vous des mesures annoncées par Nicolas Sarkozy (voir ci-contre) et que préconisez-vous?

N. HOURCADE: Il faut un maintien de l’ordre efficace, des stades bien équipés, des mesures répressives adaptées, ce qui n’est pas toujours le cas car on fait souvent des lois et elles ne sont pas faciles à appliquer. Il faut aussi un dialogue, même avec les éléments les plus durs, pour qu’ils ne soient pas complètement perdus dans la nature. Dialoguer ne veut pas dire cautionner leurs idées.

Question : C’est-à-dire ?

N. HOURCADE: La France a négligé les dispositifs de dialogue car on fait du coup par coup. En Belgique, en Allemagne on essaie de faire de la prévention sociale auprès des éléments les plus durs. On discute avec eux pour savoir qui ils sont tout en étant très fermes sur le fait qu’on condamne leurs positions.

Question : Et pour les plus violents ?

N. HOURCADE: Il y a la répression, évidemment.

M. LEPOIX: Quand, l’année dernière, on a présenté au Parlement le dispositif sur les interdictions administratives de stade et les dissolutions des groupes de supporters, il y a eu des amendements qui allaient en deça de ce que nous proposions. Maintenant qu’il y a eu ce drame, beaucoup de ceux qui étaient en deça demandent des mesures supplémentaires, par exemple que l’on puisse avoir des interdictions à vie comme c’est le cas en Grande-Bretagne. On répond d’accord mais encore faut-il que la loi le permette et que l’on change les textes. Certains demandent également que le prix des places, pour reprendre l’exemple de l’Angleterre, soit augmenté.

P. CHERKI: Avec la Mairie, on a organisé un voyage d’étude à Liverpool et à Arsenal, pour voir comment les Anglais se débrouillent. On s’est aperçu que l’on n’était pas organisé. Le Parc est contigu à Paris et Boulogne. Le maintien de l’ordre sur Paris c’est la préfecture et, sur Boulogne, c’est la préfecture des Hauts de Seine. Il n’y avait pas de vrai dialogue, pas de cohérence dans la chaîne pénale. Autre problème, il faut que l’on passe d’une culture de maintien de l’ordre à une culture de répression sélective. Il a fallut par exemple quatre ans pour voir les premiers policiers à cheval. Il ne faut pas seulement constater l’infraction mais sécuriser un périmètre. Et quand il y a de la violence, des infractions à caractère raciste qui sont commises, il faut qu’il y ait de la PJ et que tout s’organise. Comme on a pensé pendant des années que cela n’arriverait pas chez nous, on ne s’est pas donné les moyens.

M. LEPOIX: On a commencé à s’en donner les moyens. J’ai été par exemple à l’origine de la cellule opérationnelle du Parc des Princes.

P. CHERKI: Le Contrat local de sécurité a produit des effets mais il faut un dispositif de grande ampleur comme en Angleterre, en Belgique et en Allemagne. A chaque fois qu’il y a un problème, le ministre, quel qu’il soit, réunit en catastrophe trois ou quatre personnes et fait des effets d’annonce. Après, on remet le couvercle jusqu’à la prochaine crise.

N. HOURCADE: Exactement. Il aurait fallu un vrai état des lieux des problèmes. Pour revenir aux mesures proposées, je suis sceptique sur la dissolution des groupes violents car ceux qui posent problème sont justement des gens qui ne sont pas structurés en groupe. Au PSG, dissoudre les Supras ou les Lutèce Falco ne changera rien et pour les Boulogne Boys cela fera disparaître une association avec laquelle on peut discuter.

M. LEPOIX: Il n’a jamais été question de désigner les groupes qui éventuellement seront dissolus.

N. HOURCADE: Ce que je veux dire c’est que ceux qui posent problème à Paris ne sont pas dans ces groupes-là. On ne peut pas dissoudre un groupe d’Indépendants.

M. LEPOIX: Si. Les groupes, de fait, on sait comment ils fonctionnent. Ils sont constitués de gens qui se regroupent, qui ont un nom, parfois des leaders, des slogans. Mais on sait qui ils sont. Il faut que les conditions soient réunies pour que ces groupes soient dissous et on verra les conséquences que cela peut avoir. C’est un pari, mais il faut prendre quelques risques.

Question :Monsieur Lepoix, comment expliquez-vous que des supporters parisiens soient allés se battre au Mans, après Le Mans-Paris SG, alors qu’ils avaient pointé au commissariat quelques heures auparavant?

M. LEPOIX: On aurait souhaité que le pointage soit automatique et que, au moment où l’individu pointe, il soit gardé au commissariat le temps du match mais on applique la loi telle qu’elle a été votée.

Question : Craigniez-vous que, passée l’émotion, la mobilisation s’essouffle ?

C. BLOCH: on a tenu avant, on tiendra après !

N. HOURCADE: On a souvent entendu parler d’Etats Généraux du foot. Maintenant il faut le prendre au mot et ne pas s’occuper de ce problème de temps en temps seulement.

P. CHERKI: Aujourd’hui, il y a eu un mort, c’est terrible mais maintenant qu’on est dedans, il faut aller au bout. Rien ne serait pire que de faire des moulinets pendant trois semaines et d’oublier. Pourquoi ne pas mettre en place une vraie commission parlementaire plutôt qu’une nouvelle loi ?

N. HOURCADE: Surtout pas d’autres lois. On en a déjà quinze !

P. CHERKI: On ne veut pas qu’il y ait un Heysel en France, pour prendre le problème à bras le corps.

C. BLOCH: Je suis sûre après autant d’années qu’on ne nous dira plus que ce que nous racontons est complètement bidon. On a rencontré (ndlr: la semaine dernière) les présidents du PSG et de la Ligue pour que des engagements soient pris à long terme. On a également fait signer une convention avec l’UCPF pour faire de la prévention dans les centres de formation mais également pour vérifier l’application de la charte contre le racisme dont certains clubs ne savent même pas qu’ils l’ont signée !

Question : Si vous aviez un vœu à exprimer ?

N. HOURCADE: Qu’on tienne de réels Etats généraux du football sur la question des supporters et que ces derniers soient vraiment associés aux réflexions sur les problèmes qui les concernent.

C. BLOCH: Des Etats généraux sur le football oui, mais pas sur le racisme dans le football puisque c’est avéré. Sur le plan de la répression, je crois plus aux sanctions individuelles mais j’espère aussi qu’on passera à la prévention de proximité sur le long terme.

P. CHERKI: Pour paraphraser Mitterrand, "là où il y a une volonté, il y a un chemin." La question est de savoir s’il y a une volonté ou non du foot professionnel et des pouvoirs publics de régler la question. Si la France n’en est pas capable, c’est à désespérer de ce pays. Ce qui serait dramatique car le foot, c’est quand même le spectacle et le roman de notre société. Et vu la visibilité et l’importance du foot, cela devrait être une priorité de le régler

 

Publié dans Action municipale

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